Eglise

L’église Saint-Nicolas de Charmes

Source : Charmes-sur-Moselle / Arts et Gloire de Charmes et du canton / Renauld, Charmes-sur-Moselle / Archives paroissiales / Pouillé

L’église paroissiale a pour patron saint Nicolas dont le culte s’est développé en Lorraine dès le XIIè siècle. Elle se compose d’un clocher récent, d’une nef de quatre travées flanquée de deux bas-côtés, d’un chœur pentagonal et plusieurs chapelles. Deux de ces chapelles forment transept. A l’origine, les bas-côtés se terminaient par un chevet plat percé d’une fenêtre.

L’édifice est entièrement flamboyant et d’une grande unité de style. Il fut achevé en 1793. Comme toutes les églises anciennes, celle-ci est orientée est-ouest : la symbolique du temps voulait que la prière des fidèles fût dirigée vers l’Orient, pays du Christ.

Les arcs des voûtes retombent en pénétration sur des colonnes dépourvues de chapiteaux et dont les bases sont polygonales. Tous les profils des arcs sont identiques : une plinthe, un cavet, qu’un onglet sépare d’un tore aminci souligné d’un filet.

Chaque travée est éclairée d’une fenêtre qui ouvre sur les collatéraux et d’une autre fenêtre correspondant aux premières et qui est percée dans la partie supérieure des hauts murs. Naturellement, quand on construisit les chapelles le long du collatéral sud, les fenêtres basses de ce bas-côté furent supprimées mais on en voit nettement les pointes dans les combes…. Ces chapelles donnent d’ailleurs à l’édifice une note pittoresque agréable.

Avant 1944, la partie nord de l’église était bordée d’une rue forte étroite. Aussi n’y eut-il jamais, de ce côté-là, que deux « chapelles enfeux », creusées contre les contreforts. L’une abrite aujourd’hui une « Mise au tombeau »; l’autre est la chapelle St-Jacques le Majeur qui était le but d’un pèlerinage fréquenté et dont les patrons étaient « les Thomassin de Charmes » (Pouillé, 1711).

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  • Le clocher

Le clocher de cette église date de la reconstruction de Charmes en 1952. En effet, lors du sinistre de Charmes le 5 septembre 1944, les troupes allemandes avaient alors installés leurs canons de l’autre côté du grand pont de Charmes et ont utilisé le clocher de l’église et le Monument de Lorraine comme cibles pour ajuster leurs tirs avant de canonner la ville.

Certains habitants de Charmes se rappellent encore du vacarme assourdissant des cloches se fracassant sur le sol de l’église. Les cloches de l’église furent réinstallées et rebaptisées. Le bourdon Michel pèse 2 500 kg, les cloches Jeanne 1 800 kg, Thérèse 1 250 kg et Marie : 750 kg.

Le clocher de l’église, en avant de la façade, a la largeur de la nef principale. Sans nuire à l’élancement des lignes verticales, les statues, œuvres de Lambert Rucky, animent heureusement la façade : elles illustrent les dévotions de la ville. Elles représentent : au trumeau du portail, Saint Nicolas et les trois enfants ; plus haut (de gauche à droite), saint Dié, patron du diocèse, la Vierge à l’Enfant (dès le XVe siècle une très nombreuse congrégation mariale d’hommes s’était installée à Charmes), saint François avec des oiseaux (Charmes abrita une communauté de capucins ; le plus illustre d’entre eux fut le Père Thomas de Charmes, éminent théologien dont les manuels servirent jusqu’à la fin du XIXe siècle dans les séminaires), et enfin, saint Pierre Fourier (prêtre né à Mirecourt) qui porte l’aumusse des chanoines de Saint-Augustin.

Le clocher est flanqué de deux chapelles, voûtées sur liernes et tiercerons et qui sont anciennes, encore que les fenêtres en aient été refaites au XIXe siècle. La première chapelle, à gauche (côté nord-ouest) servait autrefois de chapelle de fonts puisque s’y trouvait le baptistère. Aujourd’hui elle abrite plusieurs tableaux dont un représentant Saint Nicolas, ainsi que la carte du diocèse de Saint-Dié. L’autre chapelle, à droite de la tour (sud-ouest), renferme deux stèles funéraires ; sur la plus ancienne (début du XVIe siècle), deux bourgeois de Charmes, un mari et sa femme, sont figurés en grand costume d’apparat ; de l’inscription qui entoure la stèle, on ne peut lire que ceci : « … qui trépassa le 23e jour de … et Agnès de … sa femme… le 24e jour de… » ; l’autre stèle concerne « Jean Estienne, tabellion, garde notes et receveur du domaine de Charmes… Sébastien… du dit Charmes. Le premier est décédé le 12 octobre 1678 âgé de 68 ans, etc. ». Ce Jean Estienne avait été témoin des malheurs de la ville de Charmes en 1635 (grosses représailles par l’armée de Richelieu conduites par le Colonel Gassion car Charmes ne respecta pas le traité signé en 1633 qui rattachait la ville à la France).

  • Les chapelles

La chapelle du maire Baudoin

Peu de temps après l’achèvement de l’église, des chapelles de dévotion furent élevées par divers particuliers, contre le collatéral sud. La plus ancienne en date est dite « du maire Baudoin ». Elle était consacrée à sainte Agathe. Elle s’ouvre dans la première travée du bas-côté sud. Elle est pentagonale et les armes du fondateur sont sculptées à la voûte : « un âne passant ». Ce n’est pas le chien que l’on voit sur le sceau municipal du XVIIe siècle ni la levrette des armes modernes de la ville : c’est bien un baudet aux longues oreilles. Il s’agit donc d’armes parlantes dont l’usage était alors fréquent.

C’est seulement en 1507 que la famille « des Armoises » entre dans l’histoire de Charmes, par le mariage de Guillaume des Armoises et de Marguerite de Charmes, fille de Jean de Charmes et dernière descendante du nom. Guillaume et Marguerite eurent un fils, Nicolas des Armoises, qui épousa Yolande de Nettancourt. Ce sont eux qui ont fait creuser la crédence que l’on voit à gauche de la chapelle et placer les deux consoles qui couronnent les colonnes du fond. Les Armoises portaient en effet : « griffonné d’or et d’azur de 12 pièces et sur le tout un écusson d’argent parti de gueules ». Les armes des Nettancourt étaient « de gueules au chevron d’or ».

La chapelle de Saint-Jean et du Saint-Sépulcre

Si, dans la chapelle du maire Baudoin, la coupe des arcs est absolument identique à celle des arcs de l’église, il n’en est pas de même pour la chapelle Saint-Jean et du Saint-Sépulcre. Les arcs de la partie centrale de la voûte dessinent un losange, de chacun des angles duquel partent deux arcs diagonaux. La coupe de ces arcs donne une plinthe et deux cavets. Les écoinçons sont ornés d’écussons et de feuillages. Un angelot porte les armes du fondateur. En face, la date de construction : « l’an 1516 ». Elle fut fondée par l’abbé Jean Royer (Philippe).

Ce qui rend attachante cette chapelle c’est qu’elle eut comme chapelain, en 1596, Jean Ruyr (Ruyr n’étant qu’une déformation de Royer). Jean Ruyr était chanoine de Saint-Dié et grand prévôt du chapitre. Il a traduit, en 1588, « Les Triomphes de Pétarque », dont le titre de l’ouvrage est : « Les triomphes de Pétarque en vers françois : … dédiés aux sieurs vénérables, doyen et chanoines du chapitre de Saint-Dié par Jean Ruyr, charmésien ». En 1625, il publiait un autre livre intitulé « Recherches sur les saintes antiquités de la Vôge ».

La chapelle Saint-Etienne

De même plan mais plus exigüe que la chapelle du maire Baudoin, la chapelle Saint-Etienne, voûtée sur liernes et tiercerons, fut fondée le 4 mars 1528 par Etienne Clément, seigneur de Lavaulx-lès-Germonville, anobli par le duc Antoine de Lorraine, le 4 mars 1510.  Les initiales de son nom sont gravées à tous les angles de la voûte. Une ouverture percée dans le mur intérieur de la chapelle permettait de suivre les offices.

La chapelle des Savigny

C’est en 1537 que l’église de Charmes prit l’aspect d’une croix latine par l’adjonction d’une chapelle dite de Saint-Hubert ou des Savigny. En vérité, saint Hubert paraît à peine dans l’iconographie de cette chapelle qui tout au plus fut peut-être le siège d’une confrérie Saint-Hubert. Elle s’ouvre, en effet, sous deux arcatures en plein-cintre ciselées de feuillages et qui se joignent en une belle clé pendante. Or, la scène qui occupe le tympan ainsi formé figure la Vierge de l’Annonciation, dévotion très populaire en Lorraine depuis et surtout que le duc René II avait fait peindre cette scène sur ses étendards à la bataille de Nancy. Ici, en dessous de l’Annonciation, l’image de la Sainte Face.

Les deux arcatures d’entrée s’appuient sur des pilastres à chapiteaux ornés d’acanthes, d’oves et de volutes. Aux retombées des voûtes, les nervures prismatiques sont unies entre elles par des dauphins, images d’immortalités ; elles se prolongent entre les deux fenêtres qui éclairent l’intérieur jusqu’) cinq petites basses sur lesquelles elles reposent. A mi-hauteur du pilier ainsi formé, on aperçoit l’effigie martelée du fondateur, et, un peu à droite, en dessous du médaillon, l’image de saint Georges terrassant le dragon. Nous pensons donc que cette chapelle est due à Georges de Savigny, premier à s’en prénommer, car il y eut plusieurs Georges de Savigny. Il était écuyer du duc Antoine et fils de Jacques de Savigny et de Jean d’Haraucourt. Les armes des deux familles sont sculptées à la voûte. D’après André Philippe, en voici la description. A droite les trois lions des Savigny, le lion des Floranges, la croix et les fleurs de lys des Chambley, la croix frettée des Haussonville, qui sont les quartiers des Savigny. A gauche, la croix et le lion des Haraucourt, la bande et les billettes des Chauvirey, les deux roses des Chauffour et l’écu aux alérions des Germiny-Bayon qui sont les quartiers des Haraucourt.

La travée du bas-côté qui précède la chapelle porte, à la voûte, le blason des Savigny-HAraucourt tel qu’on le voit encore au chœur de l’église de Savigny.

Ce qui rend unique cette chapelle, ce sont les scènes mythologies et les événements historiques qui y sont rappelés.

Ainsi, face au mur ouest, en haut du pilastre de droite, l’effigie du pape Clément VII ; on y lit « Clemens VII pont. Max. », Clément VII souverain pontife. A l’extérieur, au même niveau, le portrait du duc Antoine de Lorraine. On ne saurait s’en étonner : Clément VII, autant qu’Antoine, fut un bienfaiteur de la famille de Savigny et la correspondance qu’échangeaient le pape et le duc de Lorraine nous est restée.

Le duc de Lorraine mourut en 1544 ; Clément VII, dix ans plus tôt, en 1534. C’est donc trois ans après la mort du pape, en 1537, que les Savigny construisirent leur chapelle. Le duc Antoine avait quarante-sept ans. Le portrait de Charmes ressemble étonnamment à celui du vitrail de la cathédrale de Metz.

Sur le premier pilier, à droite, on voit David portant la tête de Goliath ; une Vierge assise avec l’Enfant qui tient un oiseau ; enfin sainte Véronique présentant le voile miraculeux. Sur la face intérieure, une fine piscine Renaissance.

Sur le pilastre voisin, partie inférieure, Vénus et Vulcain à sa forge ; plus haut, le Jugement de Pâris, le berger est assis devant les trois déesses, sous les regards de la Discorde et de Mercure ; dans la partie supérieure, la chasse de saint Hubert. Cette dernière scène est intacte comme le sont, à la base de deux piliers, les représentations de l’hydre de Lerne et du lion de Némée vaincus par Hercule.

Le vandalisme n’a pas épargné ces scènes. Telles qu’elles sont, elles demeurent pleines de verve et de vie et méritent d’être comprises et admirées.

La Vierge de pitié est un beau groupe en pierre, du XVe siècle. C’est un beau groupe de pierre, du XVe siècle. C’est en 1854 qu’un maçon de Charmes fit le socle sur lequel repose la statue. (Archives paroissiales).

Au début du XVIIe siècle, African de Bassompierre, héritier des Savigny, fit sculpter en mémoire de son père Christophe de Bassompierre, la colossale et réaliste statue de saint Christophe (Renauld, Charmes-sur-Moselle), protecteur des voyageurs. Tant que vécurent Savigny et Bassompierre, saint Christophe eut en effet grande besogne à les protéger à la guerre et sur les routes.

L’extérieur de la chapelle est tout aussi richement orné. Le contrefort d’angle à droite, présente, au-dessus des armes des Savigny, sur une coquille, deux génies qui supportent un brasier, image de la reconnaissance familiale au duc Antoine.

On voit, sur le contrefort médian, les armes des Haraucourt.

L’autre contrefort d’angle est malheureusement caché par le mur de la sacristie, à l’intérieur de laquelle, derrière une boiserie, un autre contrefort porte la date de la chapelle, 1537, au-dessus des armes des Haraucourt.

Les Beaux-Arts ont replacé dans la chapelle des Savigny deux fragments de vitraux de 1493 représentant « Le dit des 3 morts et des 3 vifs ».

La Chapelle du transept sud.

C’est la partie la plus récente de l’église qui s’ouvre sur le bas-côté par un arc en plein centre de style Renaissance. Les arcs des voûtes retombent, soit sur des colonnettes, soit sur des petites consoles ornées d’oves. Sans doute s’agit-il de la chapelle de la Passion et de l’Assomption fondées en 1549 par la famille des Armoises de Commercy (Pouillé, diocèse de Toul, 1711).

Cette chapelle abrite un bon tableau de la deuxième moitié du XVIIIè siècle et qui représente la prédication de saint François-Xavier. Il y avait à Charmes, depuis 1754, une relique du saint et, le 21 novembre 1784, Mgr de Fontanges accepta la fondation d’une neuvaine à saint François-Xavier. Il est fort probable que le tableau a été peint à l’occasion de cet événement.

  • Le mobilier

L’église de Charmes renferme tout un mobilier du XVIIIe siècle assez précieux. D’autant plus qu’il est l’œuvre d’un bourgeois de Charmes, ébéniste et sculpteur, Jean Munier que nous voyons, de 1718 à 1720, faire les bancs de l’église ; en 1716, dresser les stalles du chœur ; en 1741, dresser les autels latéraux ; en 1744, construire la chaire à prêcher. L’ensemble des travaux fut reconnu le 10 novembre 1745. Jean Munier avait travaillé pendant vingt-neuf ans pour son église paroissiale.

Notons en passant que la ravissante statue de saint Joseph sur l’autel du bas-côté sud marque les débuts de cette dévotion en Lorraine.

Sur l’autel principal, un beau Christ moderne en bronze, de Lambert Rucky. Chacune des plaies du Crucifié est entourée d’un disque d’argent. L’artiste s’est inspiré du culte médiéval du Saint Sang.

Les vitraux du chœur, en trois registres superposés, figurent quelques-uns des mystères du Rosaires et présentent une sorte de parallèle entre la vie de la Vierge et celle du Christ, associés qu’ils furent dans la joie, dans la peine et dans la gloire.

Quant à la Mise au tombeau (pierre 1516) elle est de tradition encore toute médiévale. Elle est malheureusement incomplète. On y voit le Christ étendu sur la pierre du tombeau entre Joseph d’Arimathie et Nicodème. Sur le costume de Nicodème, on lit l’inscription assez fréquente : « Unum, crede Deum et hominem », crois en un Dieu homme. Derrière ce groupe, sainte Marie Madeleine, la Vierge et Saint Jean. Derrière la Mise au tombeau, le vitrail est aussi une œuvre de Lambert Rucky.

La cuve baptismale en pierre, de 1538 ; est octogonale : selon la tradition, l’octave où tout recommence était considérée comme l’image de la nouvelle naissance. Cette cuve est richement ornée d’acanthes et, sur une des faces, de la colombe symbolique ; sur le tout, court cette inscription : voici le baptistère où nous renaissons fils de Dieu ; et de nouveau la date : l’an 1538.

Les reliques de saint Pierre Fourier (+1640), saint Amé Martyre (+627), sainte Libaire (+362), sainte Paule ou Pauline (+404) sont présentes dans l’église.

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