La mairie

Mairie actuelle
Mairie avant la guerre. Actuellement pharmacie DROUOT
La mairie est détruite en septembre 1944
En cours de construction

Histoire de la mairie de l’origine à nos jours.

Dans le livre le Charmes de nos rues (UBC édition 2017), Mme Henriette Méline nous raconte l’histoire de l’hôtel de ville avant septembre 1944 :

Parlons d’abord de l’hôtel de ville. En voici l’historique d’après Jules Renauld. Au 17e siècle l’hôtel de ville se trouvait près de l’ancienne tour de l’horloge (la place étant située à peu près au même endroit qu’aujourd’hui.) Cet édifice était en mauvais état quand en 1705 un accident vint aggraver la situation… Un incendie allumé par des prisonniers de guerre casernés à Charmes causa des dégâts considérables à l’hôtel de ville qui déjà était croulant. Le conseil songea sérieusement à construire un nouvel édifice mais les ressources manquaient ; la municipalité fut obligée de tenir ses séances dans une maison particulière (celle de la veuve Tarte qui lui loua deux chambres…). La création d’un bailliage en 1751 confirma la nécessité d’une nouvelle construction ; ce ne fut qu’en 1760 qu’une re­quête fut présentée à l’intendant à l’effet d’être autorisé à construire un hôtel de ville, une salle d’audience pour le bailliage et des prisons. Le 20 Novembre 1773 la démoli­tion de l’ancien bâtiment fut décidée et la première pierre du nouvel édifice fut posée. Les travaux furent terminés en 1774 et payés au moyen de la vente d’un bois communal… A la veille des événements de 1944, l’hôtel de ville était un long bâtiment d’angle surmonté d’une tour, sorte de beffroi, portant une horloge et le drapeau français en métal… Quand les nazis entrèrent dans notre cité leur premier acte d’occupants fut de scier le drapeau qui se fracassa sur le trottoir. Les témoins (dont j’étais) en garde­ront le souvenir, ressenti comme une amputation…

La reconstruction déplaça quelque peu le nouveau bâtiment de la mairie et la place prit alors le nom de I’héroïque maire de Charmes Henri Breton, mort en déportation.

Ma mémoire d’enfant garde de lui l’image d’un homme débonnaire, souriant, simple… Mon père disait de lui : « le parfait honnête homme ». La guerre, l’occupation, en ont fait un héros dans toute la force du terme, un homme de devoir, ferme face au danger, qui ne connaissait pas la peur !

Henri Breton, né à Beuvezin le 29 Février 1868, occupa le siège de maire de Charmes de 1925 à sa mort en 1944.

De septembre 1944 à l’ouverture de la nouvelle mairie en 1951, la mairie et ses bureaux se trouvaient dans la partie arrière de l’actuelle salle de l’Espée.

Grâce aux archives municipales de Charmes, nous apprenons que le ministre de la reconstruction en accordant le permis de construire de la nouvelle mairie demande un toit imposant afin de bien mettre en valeur la magnifique salle des fêtes qui se trouve en dessous. Ironie de l’histoire, la réponse de Mr Crouzillard sera ce magnifique toit bourguignon ignorant ce que la ville de Charmes a souffert de Charles Le Téméraire duc de Bourgogne. Dans la même lignée, l’artiste chargé de dessiner le blason pour la façade fait tourner la tête de la levrette oubliant que la tête face à la croix de Lorraine était le symbole de la fidélité à cette dernière.

La construction de la mairie fut assez rapide de 1950 à 1952. Les archives nous révèlent que cela ne fut pas toujours simple entre le maire René Didierjean et l’architecte Jean Crouzillard. Exemple : un échange à propos du balcon et des piliers que le maire ne voulait pas (voir les lettres ci-dessous).

Lettre du maire
Réponse de monsieur Crouzillard

Il faut rappeler qu’à la reconstruction de la mairie le niveau de celle-ci était inférieur à ceux des rues des Capucins et Maurice Barrès d’où l’importance du toit majestueux.

Le plafond de la salle des fêtes aurait dû être un « graticulage » en bois. Pour des raisons de sécurité, il fut recouvert de plâtre.

Un autre point important était l’ensemble constitué par la place, le jet d’eau et le square Barrès qui constituaient un tout visuel et architectural.

Les archives nous apprennent aussi qu’il fut question de faire le dispensaire (actuelle DVIS) à la place du square Barrès.

A la construction de l’hôtel de ville : il fallait monter les escaliers de l’entrée du bâtiment, puis redescendre une série de marches pour atteindre les différents services de la mairie.

Dans les années 1980, ces dernières furent supprimées et le niveau des bureaux des différents services fut mis à la même hauteur que l’arrivée dans les locaux de la mairie. Ces travaux furent confiés au cabinet d’architecte de Mr René Eury et réalisés en deux semaines et ainsi, le fonctionnement de la mairie fut peu perturbé.

Le livre « Charmes et la moyenne Moselle » publié par la fédération des sociétés savantes des Vosges nous explique les principes et le contexte de la construction de la nouvelle mairie :

Le deuxième grand principe de l’embellissement est la mise en perspective des constructions publiques pour qu’elles deviennent centre d’intérêt visuel ; la mairie, l’école et le clocher de l’église vont donc contribuer à don­ner des directions à l’espace. En premier lieu, la mairie est conçue dès la fin de 1948 par Jean Crouzillard et Jean Mougenot. L’îlot 4 est déjà très avancé et se trouve en surplomb par rapport au terrain destiné à recevoir la mairie. Dans ce contexte, l’architecte recherche le moyen de donner un impact visuel suffisant à cet hôtel de ville qui accueille à l’étage la salle des fêtes. La réponse est trouvée dans la grande toiture qui abrite cette salle des fêtes et qui devient l’élément monumental, signalant une construction publique. Peut-être inspirée par les hospices de Beaune, cette grande toiture est animée par un carroyage de tuiles vernissées vertes. L’ouvrage trouve sa conclusion dans le clocheton qui rappelle celui de l’ancienne mairie et qui est situé au niveau du pignon marquant l’entrée principale.

Le livre La saga Mougenot de Mme Elizabeth Charée aux éditions de la Tancanière complète l’analyse architecturale du bâtiment de l’hôtel de ville :

L’hôtel de ville, conçu dès fin 1948, domine la grande place du haut de sa toiture à deux pans avec relevée de toit. Couverte de tuiles vernissées dessinant un grand quadrillage rouge sur fond vert, elle imite les toits de Franche-Comté ou de Bourgogne. Elle abrite la salle des fêtes, en forme de coque de bateau renversée. La composition dissymétrique de la bâtisse, le traitement moderne de l’entrée principale, la multiplicité des baies attirent l’œil. Marquées par un simple encadrement en saillie, elles animent les surfaces enduites de la façade. La diversité et la modernité de ces percements s’inscrivent dans le style architectural environnant. Dessiné par les architectes et conservé en l’état, le mobilier du bureau du maire et de la salle du conseil municipal forme un ensemble de belle facture.

Aujourd’hui, la façade de la mairie a son aspect perturbé par la rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite, c’était une obligation légale. La place mériterait une restauration afin de retrouver son unité et sa beauté première liées à l’ensemble place-mairie et square Barrès.

Quelques documents trouvés aux archives municipales :

Galerie photos

Henri Breton.

Le 9 décembre 1944, Henri Breton décédait en déportation au camp de Bergen-Belsen. Ce maire de Charmes fut un homme et un maire extraordinaire. Je suis d’accord avec Charles Simonin secrétaire de mairie de l’époque pour que « chaque année, à l’anniversaire de sa mort, le 9 décembre; il soit rappelé à la jeunesse estudiantine les raisons qui ont motivé ces dénominations (place Henri Breton et école Henri Breton) et également la mort dans les camps nazis de ses compagnons d’infortune et de ceux qui, revenus, portent en eux les traces indélébiles de leur séjour dans lesdits camps et aussi le souvenir impérissable de leur maire et de leur compagnon d’infortune. » (Scan du texte d Charles Simonin extrait du livre Charmes Ville martyre en photo.)
Je vais laisser parler Henriette Méline (texte issu de son livre Le Charme(s) de nos rues :
« Ma mémoire d’enfant garde de lui l’image d’un homme débonnaire, souriant, simple… Mon père disait de lui le parfait honnête homme. La guerre, l’occupation, en ont fait un héros dans toute la force du terme, un homme de devoir, ferme face au danger, qui ne connaissait pas la peur.
Henri Breton né à Beuvezin le 29 février 1868 à sa mort en 1944, occupa le siège de maire de 1925.
C’est son mariage qui en fit un carpinien, très estimé de ses administrés, jeunes ou vieux, pauvres ou riches ! Un journal de l’Est, dans un article intitulé -galerie des braves gens- donne de lui ce portrait : -parmi les héros obscurs de la grande tourmente, il n’en est pas, dans la galerie des braves gens , dont la physionomie se détache avec plus de relief que celle d’Henri Breton. Cette forte personnalité a rendu populaire un visage aux traits accentués où le regard lumineux ne cessa de flamboyer d’enthousiasme ou d’indignation que pour pétiller de malice; où la bouche frémissante semblait sans cesse prête à lancer la parole incisive ou bien laisser déborder le flot d’une éloquence imagée, simple mais vibrante. Résistant de la toute première heure, il y consacra tout son temps, son énergie et son flair de fin limier-.

Cela commença en juin 1940 quand, sur ordre des allemands, il apprit leur intention de faire sauter le grand pont… Sa courageuse protestation argumentée (d’un bon sens dont il était riche) ébranla l’officier allemand porteur du message; ce dernier, capitaine du génie, transmit à son supérieur l’argumentation de Monsieur Breton et l’ordre fut annulé… Cela se poursuivit en juillet 1940 quand un civil dépenaillé se présenta à lui, c’était un capitaine d’état-major évadé Qui souhaitait gagné la zone libre. En un temps record Henri Breton le dota d’une nouvelle identité, lui procura les papiers, passeport, livret militaire, laissez-passer délivré par l’autorité occupante qu’il réussit à berner… Ce fut le début d’un service clandestin de fabrication de fausses pièces d’identité qui dura pendant toutes les années d’occupation, avec la complicité de la Supérieure de l’hospice qui, souvent, fut chargée d’accueillir c’est à dire de cacher les évadés en attente de leurs papiers.

En octobre 1940 le journal de l’époque titre : « l’intervention du maire, Monsieur Breton, sous le feu des mitraillettes évite la destruction de la ville ». Hélas, ce n’était que partie remise aussi bien pour notre cité que pour son maire puisque Charmes fut détruit et Henri Breton alors âgé de 76 ans , et qui avait refusé d’être épargné (bien que son âge lui en donnât le droit) fut emmené de sa propre volonté avec le groupe des déportés vers les camps de la mort. Bergen-Belsen pour lui où il décéda le 9décembre 1944.

Son écharpe de maire qu’il portait lors de son arrestation et qu’il ne quitta jamais, fut retrouvée dans ce dernier camp; elle fut rendue par l’autorité militaire à sa veuve qui en fit don à la ville de Charmes. Encadrée, elle orne maintenant le salon d’honneur de la mairie. La plaque qui porte son nom, apposée sur la façade de la mairie, rappelle à tous et aux carpiniens en particulier quel modèle de civisme, de courage et d’abnégation fut Henri Breton. »

Document réalisé par Chantal CARRARA.